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Vieux papier et mauvais genres : Les lectures d'ArzaK

Vieux papier et mauvais genres : Les lectures d'ArzaK
  • Compte-rendu de mes lectures, ce blog s'intéressera avant tout aux "mauvais" genres : SF, fantastique, BD, polar... aux livres (injustement) méconnus, et aux anciennes collections populaires (Anticipation, Spécial-Police, Marabout...)
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12 décembre 2008

Avis à populace!

Je viens de changer de blog, je fermerai donc bientôt celui-ci. Je suis passé de canalblogcanalblog à blogger. Les fonctionnalités de ce dernier convenait mieux à mes maigres compétences en informatique.

http://lecturesdarzak.blogspot.com/

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10 décembre 2008

Arnaud, G.-J. - Je ne vivrai plus jamais seule - Fleuve Noir Spécial-Police 1295, 1976

133Lorraine Lemery vit seule, son mari est en Argentine pour des raisons professionnelles. Elle lui écrit deux fois par semaine. Dans une de ces lettres, elle lui annonce qu’elle est enceinte. Bonheur suprême pour une femme qui se croyait stérile ! Certains jours, elle quitte son mas de Provence et se rend à Toulon, où elle loue un petit appartement. Là, elle se transforme en Claire, petite dactylo, épouse d’un militaire en mission à Tahiti. Et chaque jour, à midi, elle retrouve Pauline, sa nouvelle amie, enceinte de deux mois. Pourquoi cette double vie ? Pourquoi cache-t-elle sa véritable identité à son amie ? Et pourquoi, surtout, fait-elle semblant d’être elle aussi enceinte ?

Un bon petit Arnaud de derrière les fagots. Il suffit de quelques pages pour percevoir l’habilité de ce grand conteur populaire. Très vite on se sent le spectateur privilégié des actes d’un personnage double, pour ne pas dire triple. Entre ce que Loraine est réellement, ce qu’elle raconte à son mari, et cette identité qu’elle s’est fabriquée, il y a un jeu subtil par lequel nous devinons très vite (peu de suspense là-dessus) ce qu’elle projette de faire : enlever l’enfant de son « amie » une fois qu’il sera né. Evidement, ce « programme » bien établi, notre héroïne ne saura pas l’exécuter à la lettre, car Arnaud va lui mettre quelques bâtons dans les roues. N’hésitant pas à accélérer les choses et à faire bifurquer l’intrigue violemment, l’auteur amène les bons rebondissements aux bons moments. Même la dernière page nous réserve une surprise de taille.

Seul petit défaut de ce roman : c’est tout de même un peu bavard et dans cette abondance, certain dialogues paraissent un petit peu artificiel. C’est dommage, sans cette petite facilité, on aurait pu ranger ce « Je ne vivrai jamais seule » à côté des meilleurs romans noirs de Simenon.

Note : 7/10

9 décembre 2008

Stork, Christopher - L'usage de l'ascenseur est interdit aux enfants... - Fleuve Noir Anticipation, 1980

51BYW18PLa lecture de ce titre de science-fiction peu connu fût une bonne surprise. Même s’il partage beaucoup de points communs volontaires ou non avec les « Coucous de Midwich », chef d’œuvre de John Wyndham, ce roman de Christopher Stork ne manque pas de charme et d’humour. Une invasion extra-terrestre sous forme d’enfants mystérieusement surdoués qui commencent à commander les adultes, c’est plutôt original. Développer l’idée que le passage à l’âge adulte ne serait qu’une maladie, une dégénérescence de l’être humain est audacieux, certes naïf, mais réellement amusant. Et comme en plus l’intrigue se termine sur un coup de théâtre particulièrement dramatique de toute beauté, ce titre s’impose comme un des fleurons de la collection Anticipation du Fleuve Noir.

Ma note : 8/10

9 décembre 2008

Steiner, Kurt - Brebis galeuse - Fleuve Noir Anticipation, 1974

SANS018201Brebis galeuses est un roman à part au sein de la collection Anticipation. Tout d'abord à cause de sa qualité. Une fois le premier chapitre entamé, il est difficile de décrocher. Sans doute aussi à cause de son originalité, la description de ce monde clos sur lui-même, habités par des gens jamais malades mais où les condamnés se voient inoculer des maladies est saisissante. Comme dans les meilleurs Brussolo, on nage entre l'absurdité la plus complète et la furieuse logique interne de cet univers clos. Le roman, dont les trois-quart laisse une belle part à l'aventure et l'action, commence et se termine par des réflexions cosmologiques ludiques du plus haut niveau. Et si l'univers pouvait se retourner comme un gant?

J'ai posté ici la première édition, il a été réimprimé deux fois depuis, chez J'ai lu en 1977, et à nouveau dans la collection anticipation de Fleuve Noir en mai 1989, sous le numéro 1692.

Ma note : 8/10

7 décembre 2008

Valente, J.-M. - Propriété privée - Fleuve Noir, Spécial-police 1747, 1982, 183 p.

propPierrot et Antoine sont deux petits malfrats sans aucune envergure, sans autre projet précis que celui d’essayer de prendre du bon temps. Après avoir volé une moto à paris, ils débarquent à Marseille et élisent domicile dans une villa inoccupée. Au cours de leur squat, ils découvrent leur voisine : une jeune femme, compagne d’un vétérinaire, qui passe ses journées nue au bord de sa piscine. Michèle, c’est son nom, est malheureuse, elle sait que Jean-Paul la trompe avec la jeune assistante vétérinaire franchement débarquée de Bretagne. Sa jalousie la ronge, jour après jour, la détruit de l’intérieur, elle ne sait combien de temps elle pourra faire semblant et jouer à celle qui ne sait pas encore. La propension de Michèle à se baigner nue ne laisse pas insensibles ses deux voisins clandestins. Antoine, le plus gentil des deux, mais aussi le plus fragile, est littéralement sous son charme. Les projets de Pierrot sont d’un autre ordre…

Coup de cœur pour ce polar court et vif. A priori peu ambitieux mais si intelligemment écrit, avec un sens de la situation, du rebondissement et de la psychologie qui donne froid dans le dos. L’écriture est claire, limpide, directe et sans fioritures inutiles. Valente va à l’essentiel et même si la mise en place du roman est relativement complexe, le lecteur n’éprouve aucun ennui face à une mécanique narrative si bien huilée. Une fois tout en place, le troisième acte se déroule à la vitesse grand v avec une implacable logique, celle des romans noirs et des polars les plus sombres et une superbe révélation finale nous achève définitivement, nous laissant carrément pantois. Un grand « petit » roman d’un écrivain tout à fait méconnu.

Ma note : 8/10

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4 décembre 2008

Serge Brussolo - Enfer vertical en approche rapide - Fleuve Noir Anticipation 1446, 1986

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Quatrième de couverture : C'était une prison sans barreaux, sans geôliers. On n'y rencontrait qu'un seul interlocuteur : un distributeur de sandwiches blindé comme un coffre-fort et plus intelligent qu'un ordinateur. Un distributeur de sandwiches qui n'acceptait de vous donner à manger qu'en échange d'un petit sacrifice : recevoir une décharge électrique à travers le corps, par exemple. C'était une curieuse machine, à la fois dieu et diable, conçue pour vous rendre la vie impossible et la mort insupportable. Une saleté de distributeur, qui finissait par régner en tyran sur ce bagne des plus moderne, et vous forçait à pratiquer l'autopunition à outrance. Certains décidèrent de lui faire la guerre... Ils ne tardèrent pas à s'en repentir !

Mon avis : Il faut qu’on le sache, 12 ans avant le film culte « The cube », du réalisateur Vincenzo Natali (1997), Serge Brussolo avait déjà tout écrit. Le huis clos qui se déroule dans un univers carcéral high-tech envisagé comme instrument de torture, jusqu’à preuve du contraire, il est le premier à y avoir pensé. Ce roman est l’œuvre d’un sadique, d’un écrivain mi-génie mi-fou qui aime se jouer de ses personnages comme de ses lecteurs. Une plongée en enfer ? Non, une ascension vers l’enfer, ce qui est encore plus troublant.

Il faut préciser une chose, j’ai lu « Enfer vertical », la réédition augmentée parue chez Vauvenarges et non « Enfer vertical en approche rapide », le roman originellement paru dans la collection anticipation. La seule chose qui différencie fondamentalement ces deux livres est le remaniement de certaines tournures de phrases et l’ajout d’un prologue et d’un épilogue. Mais il faut savoir que ces deux-là modifient considérablement l’œuvre. Dans la version de 1985, le sadique Brussolo nous laissait dans l’inconnu. Dans celle de 2004, il nous en dit plus sur le sort du héros mais ajoute un mystère de plus.

Les deux versions sont intéressantes mais résolument différentes ! Le première est la plus démoniaque, la seconde un peu plus subtile. Entre les deux, mon cœur balance. Préférez néanmoins la lecture de la version de 2004, dans la mesure ou elle « contient » l’autre.

Dernière remarque : le thème de l’enfermement est un thème majeur dans l’œuvre de Brussolo et il prendra encore cette forme high-tech dans les derniers chapitres du délirant « Sécurité absolue », dont la lecture est elle aussi chaudement recommandée.

Ma note : 9/10

4 décembre 2008

Serge Brussolo - Crache-béton - Fleuve Noir Anticipation 1315, 1984

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Crache-béton est un des romans les plus fous de Serge Brussolo, un roman fou mais parfaitement accessible, son mode de narration est celui d’un récit d’aventure assez classique. Ce qui en fait l’originalité, c’est le caractère totalement invraisemblable des évènements décrits ! Une station balnéaire en bordure d’un immense lac est devenue la proie de baleines exotiques extraterrestres. Initialement chargées de distraire les touristes, elles se sont mises soudainement à cracher sur la ville des tonnes de pierres. La vie des habitants est devenue impossible. En surface, des milices interdisant de quitter la ville obligent des esclaves à combattre les baleines à l’ancienne. Dans les égouts, la situation n’est pas plus idyllique : un nouvel ordre s’est installé, nouvel ordre tyrannique où les hommes sont obligés au travaux forcés et les femmes à la prostitution.

Fabuleux grand n’importe quoi ce roman est assez représentatif de la période Fleuve noir de Brussolo. Epoque où son imagination ne censurait pas les idées les plus délirantes qui lui venaient à l’esprit. Ce qui frappe dans ce roman, c’est la quantité et la diversité des évènements racontés. Alors que d’autres aurait trouvé là matière à trois ou quatre romans différents, Brussolo condense un nombre incroyable d’idées dans un seul court roman de 182 pages. L’intrigue va à cent à l’heure et il est difficile d’échapper au suspense savamment distillé.

La première édition date de 1984. La deuxième édition, dans la même collection, en 1993. La dernière en date, toujours disponible, celle des éditions Vauvenargues date de 2007.

Ma note : 8/10

4 décembre 2008

Serge Brussolo - Le château d'encre - Denoël, Présence du futur 453, 1988

51M8Le château d’encre, c’est une maison dans laquelle la nuit ne se dissipe jamais. C’est là où vivent un jeune garçon, sa grande sœur et leur mère. Le garçon regarde le monde à travers la lucarne du grenier, un monde qui s’est adonné à une étrange pratique. Les gens se déplacent désormais avec leur ombre, créature flasque, greffée à leur talon qu’ils traînent derrière eux et dans laquelle leur corps rejette tous les microbes, virus et autres toxines. Impossible de résumer mieux un livre totalement inénarrable à la construction aussi poétique que mystérieuse. Est-ce là une fable platonicienne sur notre rapport au monde ? Une autobiographie déguisée ?

Quoiqu’il en soit, Le château d’encre est peut-être à la fois une des œuvres les plus méconnues de Brussolo mais également, délicieux paradoxe pour un écrivain populaire, une des ses plus belles ! D’entrée de jeu on sait que l'on est dans la veine poétique et fabulatrice du « Syndrome du scaphandrier » ou de « Mange-monde », avec un zeste de « Ma vie chez les morts » pour l’admirable description des rapports complexes entre une mère et son fils. C’est un récit avant tout amusant, tant il ressemble à une accumulation d’idées absurdes s’appelant les unes les autres, mais aussi extrêmement émouvant dans la description de la vie quotidienne de cette famille pas comme les autres, dans l’évocation du temps qui passe et de la perte de l’innocence de l’enfance. Le château d’encre est un livre de rage aussi tant la violence interne du personnage principal est grande, un livre de désespoir tant sa situation, son rapport au monde, semble le vouer à une damnation irrémédiable. On referme le livre troublé, sentant qu’on vient d’achever un livre rare, fragile, qui nous a fait toucher du bout des doigts une bien étrange métaphysique de l’absurde.

Ma note : 11/10 (si, c'est possible!)

4 décembre 2008

G. Morris - Soucoupes violentes - Fleuve Noir Anticipation 1033, 1980

SANS018273Pour moi, la lecture de quelques œuvres de Gilles Morris a été une belle découverte. Pas de celle qui change une vie ou marque à jamais la mémoire d’un lecteur. Mais résolument celle d’une littérature amusante, jamais prise de tête et au parfum particulier : j’aime la manière dont l’auteur marie un décor très terroir façon vieille France à la science-fiction. Un peu comme si San Antonio ou Léo Malet s’étaient mis à faire de la SF. Cela sent bon le parler populaire et les petits hommes verts. Je sais, dit comme ça, cela peut faire peur, on pense irrémédiablement à « La soupe aux choux ». La comparaison s’arrête là, Soucoupes violentes est un livre poétique et désabusé, qui sait aussi distiller des émotions.

Ma note : 7/10

4 décembre 2008

Gabriel Jan - Rêves en synthèse - Fleuve Noir Anticipation 1020, 1980

SANS018473J’avoue éprouver une fascination étrange pour ce roman pourtant, en définitive, pas spécialement extraordinaire. Et cela pour une raison assez amusante.

Résumons le propos : quatre individus prêts à se suicider sont embauchés par de mystérieux scientifiques qui leur proposent de prendre part à une expérience d’un nouveau genre, celle de vivre ensemble une aventure reliés à une étrange machine appelée synthétiseur de rêves. Les quatre individus se retrouvent donc dans un espace qui n’existe pas et élaboré par un ordinateur qui suit un programme prédéfini. Bon sang mais c’est bien sûr ! L’expression n’est pas utilisée mais il s’agit ni plus ni moins de « réalité virtuelle ». Sauf que là, Gabriel Jan nous parle de « rêve en commun » et non d’« espace virtuel » ou de « matrice ».

Qu’est-ce qu’il a d’étonnant ce roman alors ? Ca sent un peu le Matrix du pauvre, tout cela. Et des Matrix du pauvre, il y en a déjà plein les librairies. Oui, MAIS PAS EN 1980 ! Ce roman a ceci d’étonnant qu’il a été publié en 1980 et que ce n’est qu’en 1985, soit cinq ans plus tard, que sera édité le Neuromancien de William Gibson, considéré comme le premier roman cyberpunk, le premier à utiliser le terme de réseau, de matrice au sens où on l’entend aujourd’hui.

Je vous entends d’ici : qu’est-ce que tu me racontes-là ? Gabriel Jan, qui n’a rien d’un grand écrivain, juste un de ces faiseurs de la SF populaire vite écrite vite lue tel qu’on en trouvait dans la collection Anticipation du Fleuve Noir aurait été le précurseur de Gibson, chantre de la SF intellectuelle et branchée des années 80 ? Et bien oui, presque… presque parce qu’il manque tout de même quelques éléments pour que cela soit vraiment du cyberpunk avant la lettre. D’abord écarter l’idée et l’analogie du rêve, franchement mauvaise et boiteuse, ce que ne fait pas Gabriel Jan qui s’empêtre dans des explications foireuses à faire se retourner Sigmund Freud dans sa tombe. Ensuite, la fin du roman montre que ce n’était qu’un leurre et la véritable explication, elle, n’a plus cinq ans, mais semble toute droite sortie d’un roman de SF des années 50. Sur ce point, je n’en dirais pas plus pour ménager le suspense (bande de petits veinards !).

Et voilà comment un roman qui aurait pu, à un cheveu près, être le premier d’un nouveau mouvement de SF (le cyberpunk) redevient en l’espace de 200 pages, de la « bonne » vieille SF populaire tout ce qu’il y a de plus old school.

Mais alors, il est à lire ce roman, oui ou non ? Foncièrement, non, pas plus celui-là que bien d’autres titres de la collection Anticipation. Car ce roman n’a pas comme seul défaut de louper le coche. Il est peuplé de personnages à la psychologie rudimentaires et rempli d’incessants dialogues ultra répétitifs, qui semblent destinés à rallonger inutilement la sauce d’un roman qui aurait pu être encore nettement plus mince. Le style est simple d’accès mais relativement plat. Bon, ça se laisse tout de même lire et la suite des évènements est relativement intriguante pour encourager la poursuite de la lecture...

Mais c’est surtout à lire si vous vous intéresser à l’histoire du sous-genre Cyberpunk et c’est assez instructif de voir comment un tireur à la ligne comme Gabriel Jan, décédé il y peu temps dans l’oubli le plus total des amateurs de SF, a pu, sans y parvenir vraiment, pressentir une des évolutions majeures de la science-fiction des années 80. Que tous les thèseux et autres doctorants qui s’intéresseraient à l’étude du genre puissent s’en rappeler et lui rendre justice !

Note : 5/10

4 décembre 2008

De Pierpont & Lambé - La pluie - Casterman, collection Ecritures, 2006

T_14393On entre dans cet album comme on entre dans l’eau, en douceur, sans brusquerie. Une voix intime nous parle, raconte, c’est celle d’un homme calme, dont l’apparente sérénité cache une mélancolie profonde, marquée par la relation devenue difficile entre lui et celle qu’il aime. Le couple va mal : un jour, elle partira, il le sait, parce qu’elle veut un enfant et que cela lui est impossible. Dehors, la pluie tombe et ne s’arrête plus. Les météorologues s’interrogent. Elle partira, il le sait. L’eau s’infiltre partout, paralysant la société, la violence s’installe, le monde se noie... Lui n’en a cure, il n’a d’yeux que pour elle et son couple qui se noie...

Les Bruxellois Lambé et De Pierpont prouvent qu’en matière de récit intimiste, la BD n’a rien à envier au cinéma et à la littérature. Magnifiquement utilisé, un texte-off peut procurer, dans son jeu de distanciation avec l’image, des sensations d’une rare intensité. Judicieusement mis en scène, les lieux et les objets peuvent, au travers des cases d’une BD, imposer leur force ontologique. Le dessin tout en rondeur et cette mise en couleur pastel qui fond entre elles couleurs chaudes et froides sont admirables, on ne lit pas les cases de Lambé, on s’y plonge. Le coup de génie de cet album est aussi d’avoir articulé l’intime et la tragédie planétaire au sein d’une gigantesque allégorie poétique et surréaliste. Un couple se noie et c’est un monde qui disparaît...

Inutile de chercher un véritable lien logique entre les deux événements, il est psychologique et poétique, il s’impose surtout comme un dispositif narratif extrêmement efficace qui s’achève sur un final lumineux et transcendant, beau comme un poème.

Note : 10/10

4 décembre 2008

Junji Ito - Spirale - Tonkam, 2002, 3 tomes.

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Résumé de l'éditeur : De prime abord, Kurouzu ressemble à une banale petite ville de campagne. Mais au-delà des apparences moroses, il existe un mal profond, terrible et indicible qui plane au-dessus des habitants. Une pression hypnotique, un malaise poisseux qui corrompt les coeurs, les âmes et les esprits de victimes impuissantes. Subitement, le père de Shuichi ne jure plus que par les spirales, qu'il collectionne sous toutes les formes. Il abandonne son travail et sa santé mentale pour se lancer dans une quête ignoble dont l'issue aberrante lui sera fatale. Sa femme, devenue folle, le suit vite sur le chemin du four crématoire, après s'être percée les tympans à coups de ciseaux...

G_1356_1Mon avis : Il y a des albums qu'il suffit de feuilletter pour être irrémédiablement attiré par eux. Le contenu intrigue, étonne, le dessin impose d'emblée ses particularités. Et vous vous dites : "Faut que je lise ce truc", et vous l'achetez. C'est ce qu'il s'est passé avec ce manga au trait particulièrement soigné et aux visions d'horreur sidérantes et hallucinées. Il y des cases qui vont font froid dans le dos, tant elles mettent en scène le corps contortioné, écharpillé, anéanti. Mais ce manga n'est pas seulement gore, il est rempli d'une symbolique étrange, dont on ne saisit pas toujours toutes les implications mais qui fascine. Certaines cases sont dignes des plus grands artistes expressionistes, les planches couleurs m'ont fait penser au "cri" de Munch. Même angoisse, même vibration colorée inquiètante, une calme corrompu de l'intérieur, comme animé par une force osbcure et sans nom. Le dessin de Ito traduit très bien ce malaise.

Tout le manga semble régit par une logique abstraite, une logique graphique, la spirale, qui corrompt un à un les personnages, d'une manière à chaque fois inventive et nouvelle. Je ne sais pas si ce manga plaira à l'amateur "lambda" de manga, mais son originalité en fait une oeuvre rare.

Les deux premiers tomes ressemblent à une collection d'histoires courtes, presque indépendantes. Le troisième et dernier tome de la série n'est plus qu'une seule histoire qui scelle définitivement l’horrible destin de cette petite ville soumise à la malédiction de la Spirale. L’auteur va encore plus dans l’horreur confirmant l’énorme fertilité de son imagination morbide.

Mon avis : 10/10

PS : Si cela vous intéresse sachez que "Spirale" a connu une adaptation cinématographique en 2000, sous le titre : "UZUMAKI" (en anglais : Whirlpool) réalisé par Higuchinsky. Si le film s'avère intéressant, il est moins abouti que l'oeuvre originale dont il n'est que l'adaptation partielle.

4 décembre 2008

Joël Houssin - Voyeur - Fleuve Noir Anticipation 1265 (1983)

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Voyeur, comme son nom l’indique, c’est l’histoire d’un homme qui regarde les femmes. Mais cela ne s’arrête pas là ! Et c’est là que la SF devient une belle allégorie de nos comportements mentaux. Il les découpe mentalement, il choisit chez une femme un morceau, un autre détail chez une autre, il rentre chez lui et apporte ces pièces de puzzle à une entité extra-terrestre qui peut prendre n’importe quelle forme. Peu à peu, il constitue sa femme idéale…

Pure allégorie des comportements mentaux sexuels masculins, Voyeur est un livre cru qui nous fait visiter un Paris nocturne côté Bois de Boulogne rempli d’obsédés sexuels, de voyeurs et d’exhibitionnistes. Fétichisme, sado-masochisme… tout y passe. C’est glauque mais drôle, c’est cru mais vivant et cela se termine sous la forme d’un énorme gag qui prouve qu’on est là avant tout pour s’amuser. Un grand roman de série B, une espèce d’objet littéraire non identifié, entre pornographie, érotisme et science-fiction populaire.

Ma note : 9/10

4 décembre 2008

Daniel Walther - La pugnace révolution de Phagor - Fleuve Noir Anticipation 1317 (1984)

La mouche et le bazooka

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Au sein de la collection Anticipation, Daniel Walther fait un peu figure d’extra-terrestre. Alors que ses confrères ont plutôt à cœur, ou la recommandation, de faire simple, le style de Daniel Walther est quasiment précieux. Tout est à l’image du titre : « La pugnace révolution de Phagor ». Pour un peu ce dernier passerait complètement inaperçu au sein de la collection, mais le mot « pugnace » donne une image assez juste du style de ce roman. Daniel Walther a du vocabulaire, et il le montre. Il faut quelques pages d’acclimatation avant de se faire à son style, sa manière de tourner autour du pot, d’aligner les effets littéraires somme toute un peu gratuits.

Par contre, sur le fond, et c’est là le paradoxe, « La pugnace révolution de Phagor », c’est du Fleuve noir Anticipation tout ce qu’il y a de plus standard. Une histoire de révolution contre un pouvoir dictatorial sur une planète aux mœurs redevenues quasi moyenâgeuse pour ne pas dire antique. Ce qui nous vaut des scènes de franche sauvagerie (batailles, jeux de cirque) et les inévitables scènes de luxure. L’ensemble n’est pas déplaisant à lire mais, c’est la limite de ce roman, le style précieux nous met à distance des évènements racontés en quasi permanence.

Et on a un peu l’impression que l’auteur nous raconte de manière inutilement compliquée des choses relativement simple. Un peu tout le contraire des meilleurs raconteurs d’histoire de la collection (Serge Brussolo, Stefan Wul, Gilles Thomas) qui racontaient de manière simple des histoires sur le fond bien plus riche, dans leur thématique, que ce que l’on pouvait en penser au premier abord.

Ce qui rend la chose moins évidente c’est aussi la disproportion inexplicable qui existe entre certains évènements et d’autres. Walther peut nous raconter pendant tout un long chapitre (le roman n’en comporte que cinq) ce qui se passe dans une chambre entre trois individus, et nous narrer le siège d’une ville en quelques pages. Comme si ce qu’il racontait n’était qu’une simple convention, que l’histoire finalement n’avait pas beaucoup d’importance et que seul comptait le style. Si prises individuellement certaines scènes sont superbes, l’ensemble peine à maintenir un vrai suspense. Du coup, on a quand même un peu la sensation d’avoir affaire à un écrivain au style riche qui se forcerait, se briderait à faire de la SF populaire, sans pour autant renier sa manière d’écrire. Et le résultat, s’il n’est inintéressant, semble tout de même un peu vain. Daniel Walther tue les mouches au bazooka. Il y a une telle disproportion entre la finalité et les moyens utilisés. Un peu comme si on avait demandé à Gustave Flaubert d’écrire un épisode de SAS ou à Victor Hugo de nous pondre un Bob Morane.

Note : 6/10

4 décembre 2008

Arthur Qwak - Lola Cordova - Casterman (2005)

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Chère Lola,

J’ignore si là où vous êtes vous entendrez mon message. Il est possible que les nombreuses nouvelles facultés offertes par vos amis extraterrestres vous permettent d’entrer en contact avec ce réseau terrien un peu préhistorique à travers lequel je m’adresse à vous. Le bonheur que j’éprouve à connaître votre existence est relativement récent, mais l’événement laissera en moi, à n’en pas douter, une marque profonde et durable. Lola, je vous aime. Vous n’étiez d’abord qu’une image, que dis-je ? une icône colorée placée sur la couverture d’un ouvrage surgi de nulle part. Il y avait bien la présence, en bas de la couverture, d’une enseigne réputée en nos contrées, mais ce n’était qu’un leurre, n’est-ce pas ? Ensuite, votre humble serviteur a ouvert l’objet, ce fut l’électrochoc. Lola, je vous aime. Depuis, belle et rebelle, vous hantez mes rêves les plus torrides. Je dois cependant avouer que je vous avais trouvée un brin vulgaire au premier abord. Il y avait ce langage peu châtié, ces expressions lapidaires qui témoignaient d’un itinéraire social difficile ("Dans la vie, c’est avec mon cul que je m’en sortais. Dans l’espace, il n’y avait aucune raison que ça change.") Mais il faudrait être aveugle pour ne pas s’apercevoir que derrière ce vernis de familiarité quelque peu excessive se cache la plus noble des âmes. Lola, je vous aime. Vous ne vous plaignez jamais, vous brûlez la vie par les deux bouts. Même la cervelle allumée à coup d’acides et d’autres substances de provenance douteuse, même prisonnière de l’étreinte d’un extraterrestre libidineux en rut, vous ne perdez pas le plus noble des objectifs : sauver la terre d’une destruction prochaine. Bruce Willis et les autres sauveurs du monde du dimanche peuvent aller se rhabiller, vous êtes déjà à poil et à l’ouvrage. Lola, je vous aime.

Il reste pourtant bien des questions sans réponses... Qui est ce Qwak ? Pour qu’il vous dépeigne avec tant d’exactitude, il faut bien qu’il partage avec vous quelque intimité. Vous m’en voyez atrocement jaloux... Mais je dois admettre que vous avez bien choisi l’artiste. Il est celui qui réconciliera plus d’un lecteur avec les pratiques infographistes en bande dessinée. Rarement il nous a été donné de voir une utilisation de ces outils aussi passionnante. La mise en page et le découpage sont d’une invention permanente, presque exubérante... à votre image, chère Lola. Oh ! comme je vous aime. Je souhaite ardemment vous rencontrer, vous êtes peut-être loin à présent... dans une autre dimension, une autre galaxie ou engluée dans les méandres de votre cerveau halluciné. Mais si, au hasard de vos pérégrinations, vous repassez par la petite planète bleue (la quatrième planète du système solaire, juste après Mars), sachez que je suis là et que je vous attends.

Affectueusement,

Votre humble serviteur

ArzaK

10/10

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